Voici un bref survol de l’histoire de la Bible française protestante (de 1525 à 1990) en photos.
BIBLIOGRAPHIE
- L’histoire de la Bible française, D. Lortsch, Éditions Emmaüs.
- La Bible en France et dans la francophonie, F. Delforge, Publisud.
- La Bible en France ou les traductions françaises des Saintes Écritures, E. Pétavel, Librairie française et étrangère.
- Une Bible et tant de versions, A. Kuen, Éditions Emmaüs.
- La version du Nouveau Testament dite « de Lausanne », L. Burnier, G. Bridel.
- Remarques sur la version de la Bible par M. Louis Segond, G. Krüger, J. Bonhoure.
- Pasteurs et laïques de l’Église de Genève [Louis Segond], F. Chaponnière, J. Julien.
- Histoire de la version de Genève 1877, J. Viollier, Imprimerie A. Vérésoff.
- Les Parrains de la Bible du Centenaire au XVIIe siècle, Adolphe François Paul Lods, Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 1921.
- Essai sur les conditions d’une traduction populaire, E. Cadiot, Strasbourg.
- Histoire des Protestants du Vivarais et du Velay (2 vol.), E. Arnaud, Grassart, 1888.
- Versions modernes de la Bible, F. Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, tome XII, 1882.
- La traduction protestante française du Nouveau Testament, E. Stapfer, Revue chrétienne, 1900.
- La première Bible française de Louvain (1550). P.-M. Bogaert et J.-F. Gilmont, Revue théologique de Louvain, 1980.
- La Bible en Suisse, origines et histoire, U. Joerg et D. M. Hoffmann, Éditions Schwabe & Cie SA, 1997.
- La Bible Darby et son histoire, G. Despins, Éditions Impact.
La Bible au 15e siècle
L’histoire de la Bible imprimée débute, bien évidemment, avec la Bible de Gutenberg en 1454, une magnifique édition de la Vulgate latine de Jérôme, publiée originalement en 405 ap. J.-C. L’édition en fac-similé qui suit a été produite à partir d’un exemplaire complet conservé à la bibliothèque de Göttingen, sous la direction de Stephan Füssel, président de la chaire Gutenberg à l’université de Mayence.
La Bible au 16e siècle
D’après Frédéric Delforge, dans son ouvrage La Bible en France et dans la francophonie (p. 49), « une trentaine d’éditions de la Bible [française] paraissent de 1473 à 1523. » Mais que ce soit l’Ancien Testament, le Nouveau Testament ou la Bible entière, toutes ces traductions sont produites à partir de la Vulgate.
Épîtres et Évangiles par Lefèvre d’Étaples
Parmi ces traductions françaises, il faut souligner La Saincte Bible traduite par le Français Jacques Lefèvre d’Étaples, qui parut en 1530. Lefèvre avait déjà publié son Nouveau Testament en 1523, traduit sur la Vulgate, mais avec près de 60 corrections faites à partir du grec. Deux ans plus tard, en 1525, paraissait son seul ouvrage qui subsiste encore aujourd’hui, outre sa Bible, soit les Épistres et Évangiles pour les cinquante et deux sepmaines de l’an, un recueil de 52 exhortations tirées des textes des épîtres et des Évangiles, et destinées à affermir la foi évangélique du peuple de France. Voici la première édition en fac-similé, publiée par la librairie Droz de Genève en 1964.
Bible d’Olivétan
La première Bible française traduite à partir des textes originaux hébreux et grecs est celle de Pierre Robert Olivétan, neveu ou cousin du grand réformateur Jean Calvin. Bien que la publication de cette Bible en 1535 soit le fruit d’une décision prise trois ans plus tôt, en 1532, à Chanforan dans le Val d’Angrogne en Italie, il est clair qu’Olivétan avait commencé son travail de traduction bien avant.
La Bible d’Olivétan est aussi connue sous le nom de « Bible de Serrières », du nom du village de l’imprimeur près de Neuchâtel. Voici une édition en fac-similé imprimée à Turin en 1986.
Cette Bible débute avec une préface signée par Jean Calvin (alors âgé de 25 ans), suivie d’une autre par « l’humble et petit translateur », Olivétan lui-même. Calvin signe également la préface du Nouveau Testament. La Bible d’Olivétan contient les livres apocryphes juifs, dont le traducteur déclare qu’ils ne sont pas canoniques (reconnus comme inspirés de Dieu). Elle se termine avec une explication des noms propres de la Bible et une liste des principaux thèmes bibliques. Dans la préface signée par Olivétan, le traducteur évoque l’immense difficulté de traduire les langues riches hébraïque et grecque dans le français pauvre de l’époque, en utilisant l’image suivante : c’est comme si l’on « voulait enseigner le doux rossignol à chanter le chant du corbeau enroué » ! (Delforge, p. 64).
La Bible d’Olivétan fut imprimée en écriture gothique (plutôt que romane), sans accents, ni apostrophes, ni traits d’union, ni cédilles. La virgule est représentée par une barre oblique. À la toute fin de cette Bible on trouve un poème qui est en fait un hommage aux Vaudois en langage codé. Voici le poème en question:
Lecteur entends si Verite addresse / Viens donc ouyr instamment sa promesse / et vif parler : lequel en excellence / veult asseurer notre grelle espérance / lesprit Jesus qui visite et ordonne / nos tendres moeurs icy sans cry estonne / tout haut raillart escumant son ordure / Remercions éternelle nature / prenons vouloir bienfaire librement / Jesus querons veoir Eternellement.
Si l’on joint les premières lettres de chacun des mots du poème, on obtient la phrase suivante : « Les Vaudois, peuple évangélique, ont mis ce thrésor en publique ». C’est vrai que les Vaudois du Piémont dans le Val d’Angrogne (sud-ouest de Turin) avaient beaucoup participé à la réalisation de cette grande œuvre par leur soutien financier (entre 500 et 1500 écus d’or). Entre 650 et 1300 exemplaires de la Bible d’Olivétan furent imprimés.
Olivétan publia une révision du Nouveau Testament l’année suivante, en 1536, puis une des Psaumes en 1537, et il mourut quelques mois plus tard, en 1538, des suites d’un empoisonnement. La véritable seconde édition complète de la Bible d’Olivétan fut publiée en 1540 et est souvent appelée la « Bible de l’épée », en raison de l’image d’une épée apparaissant sur la page titre. Il n’est pas certain que Calvin ait participé à cette révision. Il fallut plutôt attendre à la troisième édition de 1545 (ou 1546), ce qui est apparemment confirmé dans l’édition de 1551.
L’édition qui suit, de Robert Estienne en 1553 (la quatrième édition de la Bible d’Olivétan), est la toute première Bible au monde, toute langue confondue, à présenter une division en chapitres et versets (le Nouveau Testament avait déjà paru avec la division en versets l’année précédente) :
On doit à Olivétan le changement du mot « prêtre » pour « sacrificateur » (héb., cohen ; gr., hiereus), de même que le nom « l’Éternel » pour rendre l’hébreu Yahweh.
L’édition qui suit est très rare. Elle fut imprimée en 1570, soit 35 ans après la première édition originale de 1535. Son format est exceptionnel. Cette Bible fait à peine 12 cm de haut. Ce format réduit fut très utile aux croyants durant les périodes de persécution. Il était crucial pour eux d’avoir une Bible dans un format discret et facilement transportable. On ignore combien de copies furent faites.
Le texte de cette Bible est une réimpression de la fameuse édition de 1567, éditée à Genève. Il comporte principalement des ajustements linguistiques dans la traduction de l’hébreu et du grec, de manière à s’adapter à l’évolution du français de l’époque. C’est le célèbre imprimeur protestant Estienne (ou Étienne, dit Stephanus) qui a mis cette Bible à la disposition du peuple de Dieu.
Bible de Genève
25 ans après la publication de la Bible d’Olivétan, en 1560, Jean Calvin en fit une importante révision, suivie par celle des Pasteurs et professeurs de l’Église de Genève, sous la direction de Théodore de Bèze en 1588. Elle incorpore le psautier de Clément Marot (1497-1544). La Bible d’Olivétan devient alors la Bible de Genève. Et comme le souligne Pétavel, « un des caractères distinctifs de la Bible de 1588 est de généraliser l’usage du vocable l’Éternel, qu’Olivétan n’avait introduit que dans un nombre restreint de passages. On décida de l’employer partout où revient en hébreu le quadrilitère [YHWH] » (La Bible en France, p. 171).
Cette Bible comporte des formes de prières et des instructions en lien avec le repas du Seigneur et le baptême, de même que le mariage. Ces ajouts seraient particulièrement utiles pour les croyants sans pasteurs.
La Compagnie des Pasteurs et professeurs de Genève continua à publier sa propre révision du texte d’Olivétan et ce, pendant près de 220 ans, si l’on prend pour acquis que leur première révision officielle est bien celle-ci, de 1588, et la dernière celle de 1805, soit la fameuse édition dite de « Paschoud » (voir plus bas).
Bible de Castellion
À l’époque même où la Bible d’Olivétan s’imposait comme « LA » Bible des protestants, on vit paraître une autre version française protestante, unique en son genre : la Bible de Castellion.
Le Français savoyard Sébastien Castellion (1515 – 1563) quitta l’Église catholique romaine et embrassa le protestantisme. Il n’avait que 25 ans quand il fit la connaissance de Jean Calvin à Strasbourg en 1540, et les deux hommes devinrent alors des amis. Deux ans plus tard, en 1542, Calvin lui confia la direction du Collège de Rive (premier collège gratuit à Genève, fondé en 1529, aujourd’hui Collège Calvin), position que Castellion occupa pendant environ deux ans, jusqu’en 1544.
Mais tout comme Calvin, Castellion était aussi un homme de caractère et de conviction, et les deux ne s’entendaient plus sur certains points de doctrine. Castellion souhaitait devenir pasteur à Genève, mais ses différends avec Calvin étaient si importants qu’il dû plutôt quitter la « Rome protestante » (expression qui faisait référence à la ville de Genève au XVIe siècle, quand elle devint un centre majeur du protestantisme, comparable en influence à Rome pour le catholicisme). Mis au ban à cause de ses idées jugées non orthodoxes (c’est-à-dire, non conformes à l’esprit de la Réforme), Castellion se réfugia à Bâle en 1545, où il exerça différents métiers avant de devenir professeur de grec en 1553.
Deux ans plus tard, en 1555, Castellion publia sa propre traduction de la Bible en français à Bâle, chez l’imprimeur Johann Herwagen (francisé « Jehan Hervage » sur la page titre originale), et portant le titre « La Bible nouvellement translatée par Sébastien Châteillon ». Cette traduction fut très mal reçue par les Réformés. Cependant, ce n’était pas tant à cause de l’homme lui-même, qu’en raison des principes de traduction qu’il avait suivis et de son approche des Saintes Écritures, qu’il considérait apparemment comme un recueil de livres ordinaires et incomplets. C’est d’ailleurs ce qui le motiva à insérer entre l’Ancien et le Nouveau Testament des extraits du livre « Antiquités des Juifs » de l’historien juif du premier siècle Josèphe Flavius, de manière à combler les « lacunes historiques et chronologiques » de la Bible. Ses détracteurs l’accusèrent donc de manquer de respect envers la Parole de Dieu.
La traduction de Castellion était destinée aux « idiots ». À l’époque, ce terme désignait les personnes ignorantes, n’ayant reçu que peu ou pas d’éducation. Malgré ce noble souhait, l’ouvrage provoqua de vives réactions, car on jugeait son langage irrévérencieux et sans égard pour la « majesté » du texte biblique. Daniel Lortsch écrit : « Castalion traduit les mots d’après leur étymologie. Au lieu d’holocauste, il dit “brûlage”. Il met “flairement” au lieu d’odorat (1 Cor. 12.17) ; “songe-malices” au lieu d’inventeurs de méchancetés (Rom. 1.30). Pour petits enfants il forge le barbarisme “enfantons” » (Histoire la Bible française, p.142).
Dès sa publication, la Bible de Castellion fut frappée d’interdit et finit par disparaître rapidement. Elle n’eut qu’une seule édition et un seul tirage, d’environ 2000 exemplaires, dont seulement 21 subsistent encore aujourd’hui. 450 ans plus tard, en 2005, les éditions Bayard en publièrent une seconde édition, avec elle aussi un tirage d’environ 2000 exemplaires.
La Bible au 17e siècle
Bible de Genève
Pendant environ deux siècles, la Bible de Genève fut révisée à de nombreuses reprises par les Pasteurs et professeurs de l’Église de Genève. Voici l’édition de 1605. Remarquez qu’elle conserve encore, au début du 17ème siècle, le titre original de la Bible d’Olivétan : La Bible qui est toute la Saincte Escriture du Vieil et du Nouveau Testament.
L’édition qui suit date de 1684, mais la page titre a disparu. Il n’est pas rare de trouver une Bible datant de la fin du 17e ou du début du 18e siècle sans page titre. Certains avancent que dans le cadre des persécutions contre les protestants, la cour de France avait appris aux « dragons » (soldats mercenaires persécuteurs des Huguenots), qui ne savaient pas lire pour la plupart d’entre eux, à reconnaître le mot « BIBLE » à l’intérieur des livres trouvés dans les bibliothèques des maisons qu’ils fouillaient et saccageaient. C’est pourquoi les croyants eux-mêmes prenaient soin d’enlever la page titre, de manière à ce que les dragons illettrés ne puissent pas identifier ces livres comme des Bibles (la couverture de la Bible présentée ici n’est pas originale et le mot « Bible » était probablement moins en évidence sur la tranche). Pétavel, dans son livre sur la Bible en France, mentionne une pratique semblable pour introduire des Bibles en France : « Parfois… les éditeurs eux-mêmes enlevaient le titre ; et les douaniers ignorants, ne reconnaissant pas le volume désigné à leur vigilance, laissaient passer » (p. 113).
Cette édition contient la préface de Calvin, de même que les Psaumes de David mis en rimes par Clément Marot et Théodore de Bèze.
Bible de Diodati
Giovanni (Jean) Diodati est un théologien suisse d’origine italienne né en 1576 à Genève. Avec l’appui de Théodore de Bèze, célèbre collaborateur de Calvin, il fut nommé professeur d’hébreu à l’Université de Genève et ce, dès l’âge de 21 ans. Plusieurs années après, il participa au fameux Synode de Dordrecht en 1618, 1619.
Diodati fut aussi traducteur de la Bible. Il publia d’abord, en 1603, une Bible en italien qui devint très populaire et qui est encore utilisée de nos jours. Puis, en 1644, il fit paraître une nouvelle traduction française de la Bible, intitulée simplement « La Sainte Bible, interprétée par Jean Diodati ». Elle contient de nombreuses annotations, qui furent très appréciées en France et en Angleterre, où elles furent traduites et intégrées dès 1643 à la très réputée King James Version. Ainsi, les « Pious and Learned Annotations Upon the Holy Bible » de Diodati parurent un an avant qu’elle ne soient publiées en français pour la première fois.
Ces annotations, qui furent également intégrées à la Bible allemande de Luther en 1688, étaient fortement calvinistes. Elle étaient particulièrement destinées à des lecteurs réformés et avaient pour but de leur faciliter la compréhension du texte. Cependant, la traduction de Diodati ne réussit pas à s’imposer devant l’édition de 1588 de la Bible de Genève et fut même qualifiée de « paraphrase » par la Vénérable Compagnie des Pasteurs et Professeurs. La Bible Diodati finit donc par tomber rapidement dans l’oubli.
John Nelson Darby, traducteur de la Bible bien connu, estimait que la traduction française de Diodati était « pleine de fautes de français », mais qu’elle était de façon générale « assez fidèle aux textes originaux » (voir La Bible Darby et son histoire). Voici un exemplaire de la Bible de Diodati.
Bible de Louvain
À l’époque de la « Contre-Réforme », les savants catholiques romains souhaitaient offrir une version française de la Bible conforme à la doctrine catholique, en réponse aux traductions protestantes qui circulaient à cette époque (c’est-à-dire celle d’Olivétan et ses premières révisions).
C’est donc à Louvain (aux Pays-Bas espagnols) qu’en 1550 parut la toute première Bible catholique romaine en français, la fameuse « Bible de Louvain ». À cette époque, Louvain était un centre intellectuel et religieux important, en grande partie grâce à son université fondée en 1425, l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses d’Europe. Louvain était un bastion catholique durant la Contre-Réforme, et c’est dans ce contexte que les théologiens de l’Université de Louvain publièrent une Bible française.
Cependant, cette Bible n’était pas une œuvre originale. Ses deux principaux artisans, Nicolas de Leuze et François de Larben, prirent le texte de Lefèvre d’Étaples comme base et le révisèrent pour le rendre plus conforme aux doctrines de l’Église catholique, en s’assurant de rester en ligne avec la Vulgate latine de Jérôme, la version officielle de la Bible de l’Église catholique à cette époque.
Selon Daniel Lortsch (1910), cette Bible fut révisée pendant plus d’un siècle et connut plus de 200 révisions. Toutefois, des chercheurs ont publié plus récemment (en 1980) de nouvelles informations à propos de cette Bible de 1550, selon lesquelles « la révision par Nicolas de Leuze de la traduction de Lefèvre d’Étaples est restée sans descendance. Elle n’a jamais été réimprimée » (Revue théologique de Louvain, 1980). Pourtant, on trouve des dizaines d’éditions de Bibles identifiées comme des « Bibles de Louvain ». Ces mêmes chercheurs ajoutent : « La version connue sous le nom de Louvain parut à Anvers en 1578. » Ainsi, la première Bible de Louvain fut bien de 1550, mais subit une révision majeure en 1578, au point que cette dernière édition devint le véritable ancêtre de toutes les révisions qui suivirent.
Voici une Bible de Louvain qui date de 1603. Cette Bible est en fait une réimpression de l’édition d’Anvers de 1578. Elle contient une lettre de Jérôme adressée à un prêtre nommé Paulin (IVe siècle), ainsi que beaucoup d’informations utiles. L’ordre des livres du Nouveau Testament est surprenant : les Évangiles, les épîtres de Paul, puis Hébreux, les Actes des Apôtres et les épîtres catholiques. Le texte biblique est accompagné de plusieurs gravures.
Voici un exemplaire du Nouveau Testament qui parut en 1686.
Nouveau Testament de Port-Royal
Le 17e siècle vit aussi l’apparition du Nouveau Testament de Port-Royal, aussi appelé Nouveau Testament de Mons (ville belge de l’imprimeur). Ce fut l’œuvre de quelques traducteurs, dont Isaac Louis Lemaistre, mieux connu sous le nom de Le Maistre de Sacy. Fils d’un huguenot persécuté et emprisonné à la Bastille, de Sacy entreprit de traduire le Nouveau Testament à partir de la Vulgate latine de Jérôme avec l’aide de son frère et de trois amis, tandis que les religieuses de l’abbaye de Port-Royal des Champs, près de Paris, se relayaient sans cesse dans la prière pour eux. D’après Pétavel (Bible en France, chapitre VII, Bible de Port-Royal), l’influence du protestantisme se faisait grandement ressentir à Port-Royal. Les Jésuites se mirent alors à persécuter les cinq traducteurs de Port-Royal, puis de Sacy fut arrêté et emprisonné à son tour à la Bastille, dans le même donjon qui avait accueilli son père. Cependant, cela fut pour lui l’occasion de s’affairer à la traduction de l’Ancien Testament, qu’il termina la veille de sa libération, à la fin de 1668. Le Nouveau Testament parut pendant son emprisonnement, en 1667, en cinq éditions consécutives cette même année. Vous pouvez voir ici la première édition en deux tomes et la deuxième édition.
Nouveau Testament d’Amelote
D’après Lortsch, un an avant la publication du Nouveau Testament de Port-Royal (de Sacy), le père catholique romain Denys Amelote s’en « procura » une copie qu’il publia à son nom, avec très peu de changements au texte. Il est possible que le manuscrit dérobé par Amelote fut incomplet. Ce Nouveau Testament parut en quatre volumes, de 1666 à 1670. Voici un exemplaire du tout premier volume, qui parut en 1666.
Dans la préface, Amelote écrit ceci : « Cette traduction du Nouveau Testament en notre langue procède d’un principe bien différent de celles qui, au siècle passé, sortirent de Vittemberg et de Genève. Celles-là ne furent entreprises que par le mouvement des hommes ; celle-ci, étant faite par le commandement des Évêques, comme leur témoignage et les lettres du Roi le font paraître, elle porte la marque de l’ordre et de la mission divine. » De toute évidence, Amelote faisait allusion aux Bibles de Luther et d’Olivétan. Voici une édition qui parut 20 ans plus tard, en 1686.
La Bible au 18e siècle
Bible de Le Maistre de Sacy
L’Ancien Testament de Sacy, qu’il traduisit pendant son séjour à la Bastille, fut imprimé sur une période de 24 ans, entre 1672 et 1696, année de sa première parution. Voici l’édition publiée en deux volumes, qui date de 1701.
Nouveau Testament de Jean Le Clerc
La première traduction française protestante originale (en dehors de la lignée d’Olivétan) qui parut au début du 18e siècle est un Nouveau Testament par un pasteur protestant de Genève, Jean Le Clerc (parfois orthographié Leclerc). Le Clerc était de tendance arminienne dans sa théologie et fut enseignant dans un collège remonstrant en Hollande. Il se situait alors complètement à l’opposé du Calvinisme genevois. C’était un homme de lettres, historien et même journaliste. Daniel Lortsch mentionne que sa traduction du Nouveau Testament fut « accusée de socinianisme » (Histoire de la Bible française, p.142). Le socinianisme peut être défini comme étant une « doctrine hérétique propagée par Fausto Socinus, [et qui] met l’accent sur la moralité, nie la divinité de Christ, la prédestination, la prescience de Dieu, et le péché originel; elle considère l’expiation accomplie par Christ comme un exemple plutôt que comme la satisfaction payée au Père » (John MacArthur, Théologie Systématique, p.999). Ce Nouveau Testament parut en 1703, mais fut rapidement frappé d’interdit et disparut presque aussitôt (il est donc très rare). Il contient des cartes géographiques dépliables.
Bible de Genève
De l’édit de Nantes en 1598 jusqu’au milieu du 18e siècle, c’est la Bible de Genève de 1588 (ou l’une de ses multiples révisions) qui sera principalement la Bible des Huguenots. Eugène Arnaud (voir son NT plus bas), dans le premier volume de son Histoire des Protestants du Vivarais, rapporte que différentes « Bibles de Genève » étaient utilisées par les Huguenots vers la fin du 17e siècle (p.553). Dans le second volume (p.134,135), Arnaud raconte l’arrestation de Pierre Durand : « Ayant entendu, à cause de la glace qui couvrait les chemins, le bruit d’un cheval qui descendait la côte de La Châtaigneraie, nommée le bois de Vaussèche, sur la route de traverse de Saint-Jean-Chambre à Vernoux, quatre soldats se placèrent en embuscade, pendant que le sergent qui les commandait alla, déguisé en paysan, à la rencontre du voyageur, qui n’était autre que Durand. Quand il fut près de lui, il lui demanda le chemin d’un village voisin, et Durand lui répondit qu’il allait de ce côté-là et pouvait le suivre. Il le fit, mais lorsqu’il fut près de l’embuscade, il se saisit de la bride de son cheval et l’arrêta, sans que celui-ci daignât faire la moindre résistance […] Durand fut ensuite conduit auprès de l’officier qui commandait le détachement. Celui-ci lui fit les questions d’usage et fouilla sa valise, où il trouva quelques livres ». Puis, en note de bas de page, Arnaud fait la liste des ouvrages trouvés dans la valise de Pierre Durand, incluant une « Bible de poche », imprimée à « Amsterdam, 1710 ». C’était la Bible de Genève. En voici un exemplaire. Cette Bible mesure 14 X 8 X 5 CM. Elle contient les Pseaumes de David mis en rimes françoises par Clément Marot et Théodore de Bèze, la Confession de foi des Églises réformées du Royaume de France, et le Catéchisme, c’est-à-dire, le formulaire d’instruire les enfants en la religion chrétienne, fait en manière de dialogue, où le ministre interroge, et l’enfant répond.
Voici l’édition de 1712. Cette Bible servit de texte de base pour un projet de révision qui devait aboutir à la publication de la « Bible de Lausanne », parue entre 1839 et 1875 (voir plus bas).
Cette édition inclut tout ce qui caractérise une Bible de Genève à cette époque : épître à ceux qui aiment les Écritures, préface de Jean Calvin, épître aux lecteurs, la liste des livres bibliques (mais pas nécessairement canoniques) avec le nombre de chapitres, les livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament, les Psaumes mis en « vers françois » (avec musique), de même que les « dix commandements » et le « cantique de Siméon », des instructions propres aux églises réformées et, finalement, une confession de foi réformée.
Bible Martin
La Bible de Genève subit une importante révision par le pasteur français David Martin, alors réfugié en Hollande suites aux persécutions des dragons en France. Le Nouveau Testament parût à la fin du 17ème siècle, en 1696, puis la Bible entière au début du siècle suivant, en 1707.
En 1736 parut une révision de la Bible Martin, par Pierre Roques (qui signe la préface), pasteur français à Bâle. C’est la deuxième édition.
Une troisième édition parut en 1745. Ce fut le fruit d’une révision faite par Samuel Scholl, alors pasteur à Bienne. Elle fut suivie d’une quatrième édition en 1760.
Bible Ostervald
Bien avant que l’on associe son nom à la révision de la Bible de Genève, le pasteur neuchâtelois Jean-Frédéric Ostervald avait déjà édité plusieurs ouvrages, dont le plus fameux est certainement le recueil de ses Argumens et Réflexions sur les livres et chapitres de l’Écriture, rédigé entre 1709 et 1713. Daniel Lortsch écrit : « Il rédigea, pour figurer en tête de chaque livre, un argument ; pour figurer en tête de chaque chapitre, un sommaire, et pour servir de conclusion à chaque chapitre, des Réflexions ou exhortations. Il rédigea donc onze cent quatre-vingt-neuf exhortations. En 1713, un pasteur anglais lui demanda son manuscrit, et le publia (en anglais). » Ostervald lui-même les publia en français d’une manière anonyme en 1720, à Neuchâtel.
Ostervald en publia une seconde édition en 1722, qui fut réimprimée en 1723, tout juste une année avant qu’ils ne soient intégrés pour la toute première fois à la Bible de Genève en 1724. Eugène Arnaud mentionne qu’en 1753, alors que la situation était calme dans le Vivarais, on envoya, depuis Genève, 75 exemplaires des Argumens et Réflexions d’Ostervald sur la Bible, ce qui représentait un exemplaire par paroisse (Histoire des Protestants du Vivarais, p.272).
Des imprimeurs hollandais mirent une grande pression sur Ostervald afin de l’amener à accepter qu’on publie à Amsterdam ses Argumens et Réflexions avec le texte de la Bible de David Martin de 1707, lui-même révisé légèrement par les Pasteurs et Professeurs de l’Église de Genève. Apparemment, Ostervald était réticent à voir ses notes ajoutées au texte de la Bible. Ces imprimeurs le menacèrent alors de retraduire en français la version anglaise. Ostervald finit par accepter et cette Bible parut en 1724. Cette édition est à la croisée des chemins de trois grandes révisions d’un même ancêtre, la Bible d’Olivétan : elle est à la fois, dans un sens, une Bible de Genève, une Bible Martin et une Bible Ostervald ! C’est ce qui en fait une édition unique (on en trouve une, ouverte, sur la tribune centrale dans la cathédrale Saint-Pierre à Genève, l’église où Jean Calvin prêchait).
Ostervald commença sa propre révision du texte de Genève à l’âge de 80 ans ! Daniel Lortsch, dans son fameux livre sur l’histoire de la Bible française, écrit : « Debout tous les jours à quatre heures du matin, il consacrait les premières heures de la journée à son travail de révision. Il n’interrompit pas une seule de ses fonctions pastorales, et en deux ans il eut achevé son œuvre. Il faut admirer sans réserve cette vaillance. » Il faut aussi toutefois spécifier que la révision d’Ostervald est en vérité mineure et concerne davantage le style que la précision du texte. Le vieux pasteur n’était pas traducteur. Daniel Lortsch tire donc la conclusion que « l’on pourrait dire, sans trop d’exagération, que la “version d’Ostervald“ n’a jamais existé. » D’ailleurs, chacune des éditions de la soi-disant Bible d’Ostervald (de la 1ère en 1724 jusqu’à la sixième en 1807) attribue la révision du texte non pas à Ostervald lui-même, mais aux Pasteurs et professeurs de l’Église de Genève, et indique que leur révision apparaît AVEC les Argumens et Réflexions du pasteur. C’est aussi le cas d’une édition non numérotée qui parut en 1764.
Quoiqu’il en soit la plupart des livres, dictionnaires, commentaires ou autres affirment que la première édition de la Bible d’Ostervald date de 1744. C’est vrai et ce ne l’est pas en même temps. C’est vrai parce qu’elle comporte ses propres retouches. Par contre, son nom apparaît déjà dans l’édition de 1724, surtout à cause de ses Argumens et Réflexions, mais aussi parce qu’il avait apporté quelques corrections mineures au texte. Ainsi, on peut probablement dire que la véritable première édition de la Bible Ostervald date de 1724 (ce que Louis Segond affirme très clairement dans la préface de la première édition de son Ancien Testament en 1874). L’édition de 1744 est identifiée comme étant une nouvelle édition et l’on connaît une troisième édition, qui parut en 1771. Mais il n’existe pas de deuxième édition. C’est pourquoi il faut probablement comprendre que la nouvelle édition de 1744 est en réalité la deuxième.
D’autres révisions parurent en 1771 (3e édition), 1772 (4e édition), 1775-77 (5e édition), 1807 (6e édition) et 1822 (7e édition). Vous pouvez voir chacune de ces éditions ci-dessous (pour celles de 1807 et 1822, voir la section sur la Bible au 19e siècle plus bas).
Il existe une édition de la Bible Ostervald qui fut imprimée en 1774 (soit 27 ans après la mort du pasteur neuchâtelois en 1747) et qui attribue la révision du texte à Ostervald lui-même. C’est apparemment un cas unique pour cette Bible au 18e siècle. Il faudra ensuite attendre à 1822 avant de trouver une Bible Ostervald dont la révision du texte est attribuée à ce grand berger des âmes.
Cette Bible de 1774 ne contient aucun numéro d’édition. Elle débute avec les livres apocryphes, suivis des livres canoniques de l’Ancien Testament. Cette présentation est très atypique. Habituellement, les livres apocryphes apparaissent à la fin de l’Ancien Testament ou après le Nouveau Testament, ce qui contribue également à faire de cette Bible une édition unique.
Les Bibles Martin et Ostervald entraient difficilement en France durant la période des dragonnades, et ces deux versions ne se répandirent qu’après la publication de l’édition d’Ostervald de 1805 (voire même après 1820 selon Pétavel, p.204), qu’on n’appréciait pas beaucoup d’ailleurs. Eugène Arnaud, cependant, quand il raconte l’histoire de l’arrestation du pasteur du désert Matthieu Majal dit Desubas, et qu’il rapporte l’inventaire de sa valise à Montpellier le 15 janvier 1746, indique qu’on y trouva une « Bible de Martin » (p.242). Ce pouvait être la première (1707), la deuxième (1736) ou même la troisième édition (1745). Mais plus probablement la fameuse édition de poche de 1728, beaucoup plus facile à transporter. On trouve également le Nouveau Testament de Port-Royal (ou même celui d’Amelote) chez plusieurs protestants et Nouveaux Convertis (protestants qui passaient au catholicisme sous la pression des persécutions).
Nouveau Testament de Beausobre et Lenfant
En parallèle avec les révisions de Martin et d’Ostervald au 18ème siècle, il y eut l’excellente traduction du Nouveau Testament par messieurs Isaac de Beausobre et Jacques Lenfant. Stapfer (p.98) la qualifie même « d’extrêmement remarquable ». Ces deux pasteurs du Refuge (nom donné à l’ensemble des pays européens qui ont accueilli les Huguenots persécutés en exil), établis à Berlin, voulaient au départ réviser le texte de la Bible d’Olivétan de 1588 (Théodore de Bèze). Ils décidèrent finalement de faire une toute nouvelle traduction. Une seule copie parvint en France, envoyée à la princesse Élisabeth-Charlotte du Palatinat, épouse de Philippe d’Orléans, frère cadet de Louis XIV. Cette traduction fut cependant populaire en Suisse et chez les francophones réfugiés en Allemagne. La première édition date de 1718 et parut en deux volumes. Elle comporte de très nombreuses notes et le texte est divisé en paragraphes.
Deux secondes éditions différentes parurent, l’une en Suisse et l’autre en Hollande. Celle en Suisse a paru en deux formats différents. Elle fut imprimée en deux volumes à Lausanne en 1735 et 1736, puis en un seul volume à Bâle en 1736, chez Jean Louis Brandmuller. Dans les préfaces de ces deux éditions, les traducteurs déclarent qu’ils ont voulu corriger les erreurs typographiques qui s’étaient glissées dans la première édition, imprimée en Hollande chez Pierre Humbert. La page titre de l’édition de Bâle indique qu’elle a été imprimée « selon la copie » d’Amsterdam.
Voici la seconde édition qui parut cette fois en Hollande, chez le même libraire que pour la première édition. Dans l’avertissement au sujet du « Nouveau Testament de Berlin », Humbert déclare que les deux éditions parues en Suisse (Lausanne et Bâle) sont des « contrefaçons » créées par prétexte de vouloir éviter le soi-disant prix excessif demandé par l’imprimeur hollandais. C’est pourquoi ce dernier invite tout simplement le lecteur à comparer ces différentes éditions afin de décider laquelle est la meilleure autant du point de vue de l’impression et de la beauté du papier, que des ornements qui accompagnent le texte.
Une édition en un tout petit volume parut en 1771 à Ulm, en Allemagne, et qui indique sous le titre : D’après l’édition la plus correcte d’Amsterdam, ce qui suppose assez clairement la seconde édition hollandaise de 1741.
Nouveau Testament de Mésenguy
Chez les Catholiques romains, l’université de Louvain compta parmi ses grandes figures un prêtre du nom de Cornélius Jansénius (1585 – 1638), professeur de théologie, fervent défenseur du point de vue augustinien des doctrines du péché, de la grâce et de la rédemption. On l’appelle parfois le Réformateur catholique romain. Il a combattu les Jésuites au point de leur interdire d’enseigner la théologie à Louvain. Il finit par être condamné par l’Église romaine. Cependant, malgré les efforts des autorités religieuses de le réduire au silence, l’influence de Jansénius se fit ressentir jusque dans le domaine de la traduction de la Bible. C’est ainsi qu’on vit paraître, en 1729, le Nouveau Testament de François-Philippe Mésenguy, que Lortsch décrit comme étant l’œuvre d’un « prêtre janséniste ardent, traduction remarquable par la pureté du style comme par l’esprit de piété qu’elle révèle chez son auteur » (p.199). Voici un exemplaire de cette première édition.
Bible de Nicolas Le Gros
Nicolas Le Gros (1675 – 1751) est un autre traducteur catholique romain qui fut grandement influencé par le jansénisme. Comme Mésenguy, il s’était fortement opposé à la bulle papale connue sous le nom de Unigenitus, qui n’était ni plus ni moins qu’une condamnation des positions doctrinales de Jansénius. Le Gros a lui-même traduit une bonne partie du Pentateuque (jusqu’à Nombres 32), puis le reste fut une révision de la Bible de Sacy. Lortsch rapporte les paroles de l’abbé Glaire, qui aurait dit de cette Bible qu’elle était « sans contredit la meilleure que nous possédions dans notre langue, tant sous le rapport du style que de la fidélité ». Toutefois, Glaire aurait émis des réserves sur les tendances protestantes de cette traduction (p.199). La première édition parut en 1739 à Cologne.
La Bible au 19e siècle
Au 19e siècle, on continue de rééditer les Bibles de Genève, Martin et Ostervald. Cependant, la Compagnie des Pasteurs de Genève souhaitait de plus en plus de pouvoir se libérer de la lignée d’Olivétan. Le Nouveau Testament dit Version nouvelle de Genève (voir plus bas) en sera le premier effort.
Bible de Genève
La Compagnie des Pasteurs et professeurs de l’Église de Genève avait entrepris une révision de la Bible de Genève en 1721. Celle-ci fut interrompue à plusieurs reprises par différentes circonstances et parut finalement en 1805. En voici un exemplaire. D’après une note conservée à l’intérieur de ses pages, cette Bible aurait été « victime des bombardements » de la Première Guerre mondiale. Cette Bible est parfois appelée Édition de Paschoud, du nom de l’imprimeur.
Bible Ostervald
On compte deux éditions importantes de la Bible Ostervald au 19e siècle : la sixième édition de 1807, puis l’édition dite de Lausanne, de 1822.
Bible de Sacy
L’origine de la Bible de Louis-Isaac Lemaistre, dit « de Sacy » (un remaniement des lettres de son second prénom) remonte au XVIIe siècle (voir ci-haut). Le Nouveau Testament de Sacy parut d’abord en 1667, puis la Bible entière en 1696. Après plusieurs révisions plus ou moins importantes pendant près de 125 ans paraissait une nouvelle édition à Paris, en 1821 (dont le texte repose sur une révision publiée en 1759).
Nouveau Testament « Version nouvelle de Genève »
Le tout premier Nouveau Testament protestant qui parut au 19e siècle est l’œuvre du professeur genevois David Munier. Son Nouveau Testament fut publié en 1835 et reçut l’approbation de la Compagnie des Pasteurs de Genève. C’est pourquoi il porte le titre de Version nouvelle de Genève. Toutefois, cette version fut soupçonnée par quelques personnes d’avoir des tendances sociniennes (hérésie qui rejette entre autres la Trinité et la divinité de Christ) et contribua à une division au sein de la Société biblique de Paris, ce qui mena plus tard à la création de la Société biblique de France. Cela démontre clairement à quel point on portait un regard critique sur les nouvelles traductions. Ce Nouveau Testament fut imprimé en deux formats différents, l’un à Valence et l’autre à Paris.
Nouveau Testament d’Oltramare
Après l’échec du Nouveau Testament de 1835, on vit paraître à Genève une nouvelle traduction qui reçut à nouveau l’approbation de la Compagnie des Pasteurs, soit le Nouveau Testament du pasteur et professeur genevois Hugues Oltramare.
Sa traduction s’éloigne du Texte Reçu et l’approche semble partagée entre la traduction littérale et la paraphrase, ce qui est assez particulier. William Joseph Lowe, collaborateur de J. N. Darby pour sa traduction française du Nouveau Testament, fut à ce point préoccupé par cette version qu’il publia une brochure invitant le lecteur à la prudence (Remarques sur les versions nouvelles du Nouveau Testament et en particulier sur celle de M. le prof. Hugues Oltramare de Genève). Lowe écrit : « En voulant s’efforcer d’expliquer quelques passages ou de les rendre plus clairs, le sens en a été complètement altéré et même perdu. » Il ajoute un peu plus loin : « En résumé, quand on voit l’original ainsi torturé, paraphrasé d’une manière inexacte, souvent même contredit, on a des raison suffisantes pour ne pas accorder de confiance à cette version qui ne peut guère être appelée une « traduction » ». Cette sévérité est peut-être méritée par endroit.
La première édition du Nouveau Testament de Hugues Oltramare de 1872 est assez rare. Voici deux exemplaires, dont un de l’édition originale avec une couverture préparatoire, c’est-à-dire en papier, avec la page titre imprimée sur le dessus. C’était le modèle de base des livres, afin de permettre au client de choisir lui-même le type de reliure désiré (cartonnée, en toile, en cuir). Ce Nouveau Testament se présente aussi sous la forme d’un livre non-coupé. Ainsi, il faudra couper le haut des pages, de l’extérieur vers l’intérieur, afin de pouvoir le lire.
Cette traduction fut révisée à maintes reprises, jusqu’au début du 20e siècle. La deuxième édition parut avec l’Ancien Testament de Perret-Gentil en 1874 et fut suivie d’une troisième édition en 1876, puis d’une quatrième l’année suivante.
La Compagnie des Pasteurs de Genève faisait remonter son devoir de donner des versions de la Bible au protestantisme de langue française à la Bible d’Olivétan de 1535. Dans cette lignée, il y eut la Bible de Genève de 1588, révisée jusqu’en 1805, de même que les révisions par Martin et Ostervald. Après la parution du Nouveau Testament Version nouvelle de Genève en 1835, la Bible dite Version de Genève 1877 devait être sa plus grande contribution.
Bible dite « Version de Genève 1877 »
Le pasteur Louis Segond (voir Bible Segond plus bas), professeur et exégète genevois, fut l’un des deux hommes à l’origine de cette version. Segond lui-même désirait une version française élégante de la Bible, et c’est à la requête de la Compagnie des Pasteurs de Genève qu’il débuta sa traduction de l’Ancien Testament.
Il publia d’abord ses tout premiers travaux en 1864, sous le titre Chrestomathie biblique ou choix de morceaux de l’Ancien Testament. Une chrestomathie est un recueil de textes destinés à offrir une instruction utile. Selon l’aveu de Segond dans la préface de cet ouvrage, il voulait ainsi « soumettre un spécimen de traduction non seulement aux personnes versées dans la connaissance des lettres hébraïques, mais aussi aux simples lecteurs ».
Deux ans plus tard, en 1866, reconnaissant le besoin de soumettre au public non pas uniquement des extraits de l’Ancien Testament, mais un livre complet afin de permettre un meilleur jugement de son travail, Segond publia sa toute première traduction du livre du prophète Ésaïe.
Conformément à l’entente signée par Louis Segond avec la Vénérable Compagnie des Pasteurs de Genève et la Société biblique protestante de Paris, l’Ancien Testament complet parut pour la première fois en 1874, en deux volumes, avec un tirage de 500 copies.
Cependant, Segond n’était pas pressenti pour ce qui est du Nouveau Testament. On décida d’utiliser plutôt la quatrième édition du Nouveau Testament du professeur Hugues Oltramare et le travail combiné de ces deux hommes donna naissance à la Bible dite Version de Genève 1877. Elle fut rééditée à plusieurs reprises par la suite et ce, au moins jusqu’en 1908. D’après Stapfer (p.101), cette Bible représentait à l’époque « l’une des Bibles les plus satisfaisantes que l’on [pouvait] avoir en français ». Voici les deux premières éditions de cette Bible.
Tandis que l’on préparait la publication de cette Bible, Louis Segond conclut une entente secrète avec un imprimeur anglais à Oxford pour la publication d’une Bible Segond complète.
Bible Segond
L’Ancien Testament, qui appartenait pourtant de droit aux éditeurs de Genève et de Paris, fut retouché légèrement par Segond, qui fit aussi une nouvelle traduction un peu précipitée du Nouveau Testament (ce qui explique probablement en partie sa qualité inférieure par rapport à l’Ancien Testament). Cette Bible parut en 1880 et fut imprimée à Oxford. En dépit de cette situation malheureuse, des sources primaires et sûres nous apprennent que la Compagnie des Pasteurs et la Société biblique de Paris ont renoncé à poursuivre Segond pour bris de contrat.
Une note de bas de page dans le livre de Daniel Lortsch sur l’histoire de la Bible française mentionne qu’un Évangile selon Matthieu traduit par Segond a été publié à Genève en 1878, et celui selon Jean en 1879, toujours à Genève. L’année suivante, c’est le Nouveau Testament au complet qui parut. Cela suggère peut-être que la traduction du Nouveau Testament de Segond publiée chez Cherbuliez à Genève en 1880 est la même que celle qui a été publiée à Oxford la même année.
Nous savons, d’après un avertissement adressé aux lecteurs dans des Bibles Segond complètes de 1886 et 1887 (et qui parut peut-être même avant), qu’il y a eu trois éditions du texte de l’AT de Segond avant 1880 : la première en 1874 (à Genève), la seconde en 1877 (imprimée à Nancy et publiée à Paris) et la troisième en 1879 à Genève (la Version de Genève 1877 publiée en 1879 et mentionnée ci-dessus indique « troisième édition » sur la page titre de l’AT de Segond). Nous ignorons l’étendue de la révision, si révision a bel et bien eu lieu.
L’édition qui suit est composée de la seconde édition de l’Ancien Testament publiée à Paris en 1877 et du Nouveau Testament publié à Genève en 1880. Le fait que la seconde et non la troisième édition du texte de l’AT ait été utilisée, combiné au fait que le papier qui a servi à l’impression du NT est clairement différent de celui utilisé pour l’AT, semble indiquer que cette Bible fut reliée à la demande d’un particulier.
La Bible Segond est vraisemblablement la dernière grande publication de la Bible patronnée d’une manière directe par la Compagnie des Pasteurs de Genève.
Au cours du 19e siècle, on vit aussi l’apparition d’un assez grand nombre de traductions nouvelles des Écritures, tant chez les protestants que chez les Catholiques romains. Voici quelques éditions de l’Ancien Testament, du Nouveau Testament et de la Bible entière.
Ancien Testament de Perret-Gentil
On peut d’abord mentionner la traduction de l’Ancien Testament par le professeur neuchâtelois Auguste Perret-Gentil. Cet homme dévoué avait reçu la charge de former les futurs ministres de la Compagnie des Pasteurs de Neuchâtel, surtout dans le domaine de l’étude des langues originales de la Bible. C’est dans le cadre de ses cours qu’il fit sa propre traduction de l’Ancien Testament, dont il ne pensait jamais qu’elle serait publiée un jour.
Les Hagiographes (c.-à-d., les Saints Écrits) et les Prophètes parurent en 1847, suivis par le Pentateuque et les Livres Historiques en 1861.
Une seconde édition du premier volume parut en 1866 et c’est lors de cette même année qu’on publia l’Ancien Testament au complet.
Sa traduction est parfois surprenante, avec des tournures assez particulières. Elle fut cependant assez populaire pour être publiée avec le Nouveau Testament Version nouvelle de Genève en 1866, celui d’Eugène Arnaud la même année, de même que celui de Hugues Oltramare en 1874.
Ancien Testament de la Bible annotée
La deuxième traduction protestante de l’Ancien Testament qui parut au 19e siècle est celle produite par une société de théologiens et de pasteurs sous la direction de l’exégète suisse Frédéric Godet, un autre traducteur neuchâtelois. Cette traduction est parfois appelée Bible de Neuchâtel, mais elle est mieux connue sous le nom de Bible annotée. Cet Ancien Testament parut pour la première fois en neuf tomes reliés en cinq volumes entre 1878 et 1898. Avec le Nouveau Testament de Louis Bonnet, il formera plus tard une Bible complète. Voici les neuf tomes avec différentes reliures, suivis de l’édition en cinq volumes avec couverture de toile.
Plusieurs parties de l’Ancien Testament de la Bible annotée, surtout dans les Prophètes, furent reproduites de manière intégrale par les éditeurs de la Bible Crampon.
Bible du Rabbinat français
Finalement, il faut aussi mentionner l’Ancien Testament traduit depuis l’hébreu par les membres du Rabbinat français (c’est-à-dire les rabbins de France sous la direction du Grand Rabbin Zadoc Kahn). Cette traduction est à la fois précise et élégante, mais de façon inégale. Voici la première édition en un volume, contenant les deux tomes qui parurent en 1899 et 1906.
Depuis le départ (avec Olivétan en 1535), les protestants se sont appuyés sur les textes originaux hébreux et grecs pour produire leurs traductions de la Bible en français. Pour le Nouveau Testament, c’est le Texte Reçu qui fut principalement utilisé. Ce Nouveau Testament grec fut premièrement publié par l’érudit Érasme de Rotterdam, en 1516. Il fut ensuite révisé à plusieurs reprises puis, dans une édition qui parut en 1633, les imprimeurs hollandais Elzévirs déclarèrent dans la préface qu’ils présentaient aux lecteurs un « texte reçu par tous » dans l’Église. Cependant, la découverte de plusieurs manuscrits grecs anciens a amené de nombreux traducteurs à délaisser le Texte Reçu en faveur de variantes textuelles plus anciennes et jugées de ce fait plus proches du texte rédigé par les apôtres. Ce n’est pas forcément le cas, mais c’est une école de pensée dominante dans la traduction biblique depuis le 19e siècle.
Les deux premiers traducteurs à s’être éloignés du Textus Receptus ont été le pasteur français Eugène Arnaud et l’exégète suisse Albert Rilliet.
Nouveau Testament d’Arnaud
Arnaud a été pasteur à Crest, dans la Drôme, pendant près de 40 ans. Il a contribué à la restauration de la Tour de Crest, plus haut donjon de France (52 m). Cette tour avait servi de prison pour les Huguenots persécutés à l’époque des dragonnades. D’ailleurs, Eugène Arnaud avait épousé une petite-nièce d’Isabeau Menet, célèbre prisonnière à la Tour de Constance.
Arnaud est le premier Français à avoir publié une traduction originale du Nouveau Testament en France. La première édition date de 1858.
La deuxième édition parut en 1863, avec commentaires, et la troisième en 1865. Ce Nouveau Testament fut aussi publié avec les Anciens Testaments de Perret-Gentil (1866) et de Segond (1877).
Nouveau Testament de Rilliet
Le Genevois Albert Rilliet a quant à lui publié un Nouveau Testament traduit à partir du codex Vaticanus, du 4e siècle. Comme pour Arnaud, la première édition date aussi de 1858. Elle est très rare.
D’après Daniel Lortsch, dans son livre sur l’Histoire de la Bible française, la seconde édition date de 1860. Or, deux éditions intéressantes révèlent de nouvelles informations. Premièrement, la seconde édition ne date pas de 1860, mais bien de 1859 (ce que Frédéric Delforge soutient également). En effet, une note insérée après la préface originale (appelée Avertissement au lecteur) indique que la première édition date d’août 1858 et la seconde du mois de décembre de la même année. Toutefois, l’impression a dû être complétée seulement en début d’année suivante puisque cette édition porte la date de 1859. Lortsch n’avait probablement jamais vu cette édition. Elle comporte des modifications au texte.
Ainsi, l’édition de 1860 était en fait la troisième (ou simplement une réimpression de la seconde de 1859 cette année-là).
Un autre exemplaire de la seconde édition imprimée en 1860 ne contient cette fois qu’une partie du Nouveau Testament (des Actes à l’Apocalypse). L’indication 2 sur la tranche indique clairement qu’il s’agit d’une édition en deux volumes, le premier ayant évidemment contenu les Évangiles. De plus, ce Nouveau Testament est interfolié avec une page blanche permettant la prise de notes. Il s’agit probablement d’un projet individuel. Le fait qu’il y ait peu de notes rédigées sur ces pages laisse supposer que ce Nouveau Testament fut très peu utilisé, pour une raison qu’on ignore.
Nouveau Testament de Bonnet
Le pasteur suisse de l’Église française de Francfort, Louis Bonnet, avec l’aide du théologien Charles Baup de Lausanne, fit une traduction du Nouveau Testament qui fut bientôt qualifiée de travail consciencieux. Les deux hommes misaient sur la fidélité plutôt que l’élégance, un principe de traduction propre au 19e siècle. La première édition parut en deux volumes en 1846 et 1852.
Ce Nouveau Testament fut ensuite révisé entre 1875 et 1885, et parut alors en 4 volumes.
La troisième édition est l’œuvre du petit-fils de Bonnet, Alfred Schroeder, et fut publiée entre 1892 et 1905. Cette dernière édition fut alors intégrée à la Bible de Neuchâtel. Le premier volume, sur les Évangiles synoptiques, indique seconde édition, mais il s’agit probablement d’une erreur.
Nouveau Testament de Stapfer
Il faut encore mentionner la traduction du Nouveau Testament par M. Edmond Stapfer, théologien et pasteur de l’Église réformée de France à Paris, dont la première édition parut en 1889.
Bien qu’il prétendait avoir produit une traduction littérale, le soucis de l’élégance semble réellement avoir dominé son travail. Sa traduction est parfois même qualifiée de folklorique puisqu’il ajoute des expressions d’émotions dans le texte (Ah! Oh!). Plus encore, il ajoute même des mots pour donner plus d’intensité à certains passages (comme jamais par exemple). La deuxième édition date de 1894.
La manière dont Stapfer coupe les longues phrases de Paul dans ses épîtres en plusieurs petites phrases courtes laisse à penser qu’il était peut-être déjà un précurseur des versions à équivalence dynamique que l’on publie abondamment aujourd’hui. C’était d’ailleurs l’avis de M. Alfred Kuen.
Fait assez particulier de cette version, l’auteur lui-même déclare dans la préface qu’il s’est efforcé de traduire littéralement les passages difficiles, mais qu’il a pris plus de liberté dans les passages clairs et faciles. Habituellement, ce type de traduction cherche davantage à paraphraser les passages difficiles et laisser les passages faciles intacts. Or, Stapfer a tout simplement fait le contraire.
La troisième édition parut en 1899, suivie par plusieurs autres au début de 20e siècle.
Bible de Lausanne
Une Société de ministres de la Parole de Dieu fut créée en Suisse dans les années 1830, dont le but était de produire une traduction très littérale de la Bible. Ces hommes avaient la profonde conviction que la Bible donnait la pensée même de Dieu (selon Daniel Lortsch, dans son Histoire de la Bible française). Voilà pourquoi ils cherchèrent à traduire les Écritures mot pour mot. Le fruit de leur travail, qui ne devait être au départ qu’une révision en profondeur de la Bible de Genève de 1712 (voir plus haut) et qui devint une traduction originale, a pour titre la Bible de Lausanne.
Les deux principaux maîtres d’œuvre de cette traduction furent Louis Gaussen et Louis Burnier. Le premier a aussi publié un livre sur la théopneustie, c’est-à-dire l’inspiration de la Bible (d’ailleurs, Stapfer déclare que les « pasteurs théopneustiques faisaient grand cas de cette traduction », p.100), tandis que le second a rédigé un ouvrage complet sur l’histoire et le développement de la version dite de Lausanne. Dans cet ouvrage, Burnier révèle le nom d’un important collaborateur qui a su profiter de son implication dans ce projet pour développer des compétences qu’il appliqua plus tard à son propre travail de traduction du Nouveau Testament, soit John Nelson Darby. En effet, Darby a travaillé sur la deuxième édition de la version de Lausanne, parue en 1849, soit 10 ans avant la première édition de son propre Nouveau Testament en français. La série de mensuels Le Messager Évangélique contient d’ailleurs plusieurs lettres échangées entre Darby et Benjamin Rossier, dans lesquelles les deux hommes discutent à propos du Nouveau Testament de Lausanne.
Quand Louis Segond se mit à l’œuvre pour traduire la Bible au troisième quart du 19e siècle, il consulta sans cesse la version de Lausanne, avec laquelle il était pratiquement toujours d’accord (Lortsch). La première édition du Nouveau Testament date de 1839. Il y eut ensuite quatre autres révisions du Nouveau Testament de Lausanne, soit 1849 (deuxième édition), 1859 (troisième édition), 1872 (quatrième édition) et 1875 (cinquième édition). L’Ancien Testament, quant à lui, parut en 1861-68.
Bible Darby
Tout juste un an après les Nouveaux Testaments d’Arnaud et de Rilliet, en 1859, un Anglais publiait la première édition de son Nouveau Testament en français. John Nelson Darby avait déjà publié un Nouveau Testament en allemand en 1855, et il en publia un autre, en anglais, en plusieurs parties, entre 1856 et 1866. Darby était un véritable érudit et un travailleur infatigable. Ses traductions sont généralement classées parmi les plus fidèles et les plus proches des textes originaux hébreux et grecs. Vous trouverez tous les détails de son travail de traduction dans l’ouvrage La Bible Darby et son histoire, publié aux Éditions Impact.
Il existe au moins six éditions différentes du Nouveau Testament de Darby, dont trois révisions qui ont été faites par Darby lui-même. La première édition française date de 1859 et elle est extrêmement rare. L’exemplaire ci-dessous contient une traduction des Psaumes, de même qu’un recueil de cantiques chrétiens. Remarquez aussi que, malgré la popularité de la désignation Pau — Vevey attribuée d’une manière générale au Nouveau Testament de Darby (surtout à partir de la deuxième édition), on devrait plutôt dire Vevey — St. Agrève pour la première édition.
Une deuxième édition du Nouveau Testament parut en 1872, une troisième en 1875, une quatrième en 1878, puis une cinquième en 1885 (avec l’Ancien Testament). C’est donc en 1885 que parut la toute première édition complète de la Bible Darby. Une nouvelle édition fut publiée onze ans plus tard, en 1896.
Une grande édition en fac-similé fut aussi publiée, apparemment en 1888, puisqu’elle porte la date de 1885-88.
Bible de Matter
Jacques Matter, membre de la faculté de théologie de Strasbourg, fut mandaté par une société britannique connue sous le nom de Société pour la propagation de la connaissance chrétienne, de diriger un comité chargé d’éditer une Bible qui devait tirer le meilleur des versions d’Ostervald et de Martin. Cette Bible serait particulièrement destinée aux églises françaises des îles britanniques de Jersey et de Guernesey, de même qu’à celles du Canada.
M. Matter lui-même a écrit : « Martin et Ostervald ont à ce point présidé à l’éducation religieuse du monde protestant de langue française que toute idée de rompre avec eux est un non-sens révolutionnaire » (Pétavel, p.211). Matter comparait l’héritage de ces deux versions françaises à celle de Luther en Allemagne et à la version King James en Angleterre. Selon lui, si on devait réviser la Bible en français, en allemand ou en anglais, il fallait que ce soit à partir de ces versions, tout en tenant compte du texte original, de manière à ne pas trop s’écarter du texte habituel et bien connu des croyants.
Le texte de Martin était généralement jugé plus fidèle et celui d’Ostervald plus élégant. La Bible de Matter devait donc s’efforcer de combiner ces deux qualités. Fait intéressant, c’est le fils de Jacques Matter, Albert, qui dirigea la commission chargée de la révision d’Ostervald qui parut au début du 20e siècle, la fameuse Bible Synodale.
Le Nouveau Testament de la Bible de Matter parut en 1842 et l’Ancien en 1849, dans un « format immense et incommode » (Lortsch, p.140). Cette Bible ne connut aucun succès. Il paraît même qu’elle n’a jamais été mise en vente publique et que quelques exemplaires furent simplement offerts en cadeau (Pétavel, p.214). Elle fut cependant imprimée plus tard en petit format, mais demeure introuvable. L’exemplaire qui suit date de 1876.
Bible de Reuss
En général, les traductions de la Bible et du Nouveau Testament au 19e siècle étaient littérales, certaines plus que d’autres. La différence reposait sur la question du compromis avec l’élégance de la langue française. Parmi les traductions les plus littérales, il faut noter l’œuvre magistrale du Français Edouard Reuss. Il était théologien et professeur à la faculté protestante de Strasbourg, mais de tendance libérale (qui remet en question certaines doctrines ou certains points de vue bibliques généralement acceptés par les croyants qui reconnaissent l’inspiration, l’inerrance, l’autorité et la suffisance des Écritures).
Dans son travail de traduction, Reuss sembla très peu préoccupé par l’élégance de la langue française. Un autre traducteur, Edmond Stapfer, qualifia sa traduction de « médiocre comme français, mais d’une précision presque impeccable ».
Voici une très belle édition originale complète, qui parut entre 1874 et 1880, en 17 volumes, incluant un volume d’introduction.
Le 19e siècle a également été témoin de quelques publications de la Bible entière ou du Nouveau Testament chez les Catholiques romains, dont certaines méritent notre attention.
Nouveau Testament de l’abbé Glaire
En 1861, l’abbé Jean-Baptiste Glaire publia sa propre version du Nouveau Testament à partir de la Vulgate et autorisée par le pape Pie IX, ce qui lui valu le titre de Nouveau Testament du pape. On dit de sa traduction qu’elle est sans élégance et obscure.
Nouveau Testament de l’abbé Gaume
Trois ans plus tard, en 1864, un autre abbé, Alexis Gaume, publia un Nouveau Testament dont la traduction est encore plus obscure. Mais ce qui démarque davantage ce Nouveau Testament, ce sont les commentaires anti-protestants qu’il renferme. Voici un extrait de la préface :
« Lorsque le protestant se présente armé d’un texte de la Bible, on peut le traiter comme on traite le voleur, qui, s’étant emparé d’un titre de propriété prétend s’en prévaloir pour justifier ses déprédations [dommages causés aux autres]. […] Vous êtes protestants : votre nom donne le frisson. Satan a été le premier protestant : il a protesté dans le ciel, et des anges ses complices il a fait d’affreux démons ; il a protesté sur la terre avec Ève, et il a perdu le genre humain. Vous faites le métier de votre père. Arrière, arrière ! Assez de crimes et de ruines avec toutes ces Protestations ! »
Bible Crampon
Finalement, il faut souligner le travail de l’abbé Augustin Crampon. Il fit au départ une traduction des Évangiles en 1864, à partir de la Vulgate latine, suivie par les Actes des apôtres en 1872. Le Nouveau Testament en entier parut en 1885. Voici une édition des Évangiles datée de 1884 et le Nouveau Testament de 1885.
Mais la grande réalisation de Crampon, c’est d’avoir été le tout premier catholique romain à avoir lancé un projet de traduction des Saintes Écritures à partir des textes originaux hébreux et grecs. Ce travail s’est échelonné sur dix ans, avec la publication de sept volumes entre 1894 et 1904. Cependant, l’abbé Crampon est mort subitement après avoir complété le premier volume, sur le Pentateuque, et c’est la Compagnie de Jésus, avec l’aide des professeurs de Saint-Sulpice, qui a pris la relève. En tenant compte du fait que la traduction et l’étude des textes originaux ne furent officiellement encouragés qu’à partir de 1943 chez les Catholiques romains (avec la lettre encyclique du pape Pie XII), on peut clairement dire que Crampon était en avance sur son temps.
La Bible au 20e siècle
Nouveau Testament Decoppet
Le pasteur réformé français Auguste Decoppet (1836 – 1906) et son épouse Louise Puaux avaient en commun un profond amour pour les enfants et les gens ordinaires. Ils ont d’ailleurs tous les deux rédigé plusieurs ouvrages qui leur étaient destinés. Dans le but de rendre service aux jeunes gens et aux moniteurs des écoles du dimanche, Decoppet s’est proposé de publier un Nouveau Testament avec notes explicatives, afin d’aider ce public en particulier à comprendre les Écritures. De 1894, alors qu’il est âgé de 58 ans, à 1903, l’année de ses 67 ans, soit pendant neuf ans, le pasteur Decoppet a consacré la première heure de chacune de ses journées à développer son Nouveau Testament.
Pour établir le texte, il s’est appuyé sur le Nouveau Testament grec critique des savants britanniques B. F. Westcott et F. J. A. Hort. Cependant, chose extrêmement rare dans l’histoire de la Bible française, l’auteur a utilisé les textes de plusieurs versions françaises pour composer son Nouveau Testament.
Il déclare lui-même : « Je me suis servi, pour les Évangiles et les épîtres de Saint Paul, de la [version] d’Osterwald, admirablement révisée par la Commission synodale. » Apparemment, il parlait du Nouveau Testament Synodale, qui devait être publié cette même année 1903. Étant de Paris, ville de quelques artisans de la révision Synodale, il n’est pas impossible que Decoppet puisse avoir eu accès au travail de la Commission avant sa publication. Cependant, il faut peut-être simplement comprendre qu’il a utilisé Ostervald (orthographe plus courante), dont il reconnaissait maintenant une excellente révision en la version Synodale. Le pasteur ajoute que pour les autres épîtres, il a utilisé la version du Genevois Hugues Oltramare, en mettant également à contribution celle de son concitoyen de Paris, Edmond Stapfer, même s’il trouvait le style de ce dernier « un peu trop moderne » (Decoppet, Introduction au Nouveau Testament, p.11). Ainsi, ce Nouveau Testament a été composé à partir des textes d’Ostervald, Oltramare et Stapfer. La première et probablement seule édition du Nouveau Testament Decoppet parut en 1903.
Bible Darby
Depuis le début des années 1910, la Bible Darby est offerte en deux formats (pagination) différents : la Bible de famille (1250 pages, avec l’Apocalypse qui se termine sur une page gauche, dont la première édition parut en 1911) et la Bible standard (920 pages, avec l’Apocalypse qui se termine sur une page droite, dont la première édition fut produite par Henri Rossier et parut en 1916). Voici la première édition de chacun de ces formats.
Bible Segond
En 1900, on vit paraître une édition particulière de la Bible Segond-Oltramare, tirée à seulement 2000 exemplaires, et qui était destinée uniquement aux pasteurs et à ceux qui en feraient la demande. Dans cette Bible, les livres de l’Ancien Testament suivent l’ordre du canon hébraïque, ce qui est très rare dans l’histoire de la Bible française (voir aussi la Bible du Centenaire).
Une autre édition particulière de la Bible Segond parut à Neuchâtel en 1902, accompagnée d’illustrations. Elle est connue sous le nom de Édition de Zahn (du nom de l’éditeur).
On connaît aussi un ouvrage publié en 1890 et ayant pour titre « La Bible en images », composé de 108 extraits de la Bible Segond, accompagnés de gravures sur bois.
L’artiste à l’origine des gravures n’est pas identifié par son nom, mais simplement comme étant l’auteur de « Jésus frappant à la porte ». Il s’agit de William Holman Hunt (1827 – 1910), peintre britannique, qui fut fortement influencé par la Bible. L’une de ses œuvres les plus connues s’intitule en anglais « The Light of the World » (La Lumière du monde), qui représente Jésus frappant à une porte (de là le titre en français).
Du point de vue du style, la traduction de Segond reçut un accueil extraordinaire, mais du point de vue de la précision elle fut grandement critiquée. Il est clair que le travail de Segond allait devoir passer par une révision en profondeur. Cependant, le traducteur ne le permit pas tant qu’il serait vivant. Après sa mort en 1885, on entreprit un travail de révision qui s’échelonna sur une période de 25 ans et qui aboutit à la fameuse révision de 1910. Voici l’édition de 1912, identique à celle de 1910, laquelle est très difficile à trouver.
La deuxième révision majeure de la Bible Segond porte le titre de Bible à la Colombe, en raison du sigle en forme de colombe qui orne la couverture. Cette édition fut dirigée par Frank Michaeli et Jules-Marcel Nicole. Le Nouveau Testament parut en 1962 et comporte un glossaire. La première édition complète de la Bible Segond à la Colombe date de 1978.
Cette révision cherchait particulièrement et autant que possible à rendre un même mot grec par le même mot français. De l’avis de plusieurs, c’est la meilleure édition de la Bible Segond, car son français est élégant et sa traduction est équilibrée.
Parallèlement en Suisse, on publia une nouvelle révision de la Bible Segond de 1910, en 1975, sous l’appellation Version revue. Elle fut accompagnée des commentaires du théologien américain Cyrus Ingerson Scofield.
Cette révision fut suivie par la Nouvelle Édition de Genève (NEG) de 1979.
Au 21e siècle, il y eut deux autres révisions de la Bible Segond, soit celle connue sous le nom de Nouvelle Bible Segond (NBS), publiée en 2002, puis la Segond 21, qui parut en 2007.
Bible Synodale
Déjà vers la fin du 19e siècle et au début du siècle suivant, il devenait de plus en plus clair qu’il fallait réviser de fond en comble la bonne vieille Bible d’Ostervald, qui était elle-même une révision de la Bible Martin, qui elle en était une de la Bible de Genève, et qui remontait jusqu’à Olivétan.
Un synode des Églises Réformées de France fonda alors, en 1884 (Stapfer, p.96), la Commission des versions bibliques, chargée de présenter une révision complète de la Bible d’Ostervald. Le Nouveau Testament parut en 1903, sous le simple nom de Révision nouvelle.
La seconde édition, qui parut deux ans plus tard, en 1905, fut publiée avec les Psaumes sous le nom qu’elle allait désormais conserver et ce, jusqu’en 1956, année de sa dernière édition : la Révision Synodale de la Bible.
La première édition de la Bible Synodale complète date de 1910. C’est une édition passablement rare. D’après Daniel Lortsch, cette traduction est la « meilleure version protestante de la Bible ». Sa lecture est en effet très agréable. Une centaine de collaborateurs ont entièrement remanié le texte, de sorte qu’on la considère aujourd’hui non comme une révision d’Ostervald, mais comme une traduction originale. Voici la première édition, avec deux reliures différentes.
La huitième révision est la dernière de la Bible Synodale et parut en 1956. Cependant, elle fut encore retouchée à quelques reprises et ce, jusqu’en 1965. Voici donc cette huitième et dernière révision retouchée de 1965.
Nouveau Testament Grasset
Le Nouveau Testament dit Grasset (du nom de l’éditeur) qui parut en 1928 est en fait la version Synodale, mais sans verset, un fait très rare dans l’histoire de l’édition de la Bible. La plupart des exemplaires que l’on trouve aujourd’hui de ce Nouveau Testament sont des éditions papier, non coupées. Beaucoup plus rare sont les éditions reliées.
Bible Crampon
Dès que le projet de la Bible Crampon fut complété en 1904, on vit paraître cette même année la première édition de la Bible Crampon en un seul volume. Au verso de la toute dernière page on trouve une sorte d’épilogue très intéressant. Trois points méritent d’être soulignés : 1) les protestants sont reconnus comme des pionniers dans la traduction biblique à partir des textes originaux, 2) on présuppose que la Bible Crampon est plus volumineuse que la Bible Segond parce qu’elle contient TOUS les livres de l’Ancien Testament et les livres EN ENTIER (une allusion évidente aux livres et ajouts apocryphes appelés « deutérocanoniques », que les protestants, tout comme les Juifs, n’acceptent pas comme étant inspirés de Dieu), et 3) on présuppose qu’il n’existe pas de Bibles avec notes chez les protestants (et pourtant c’est bien le cas du Nouveau Testament de Beausobre et Lenfant dès 1718, de même que de ceux de Lausanne, Rilliet et Darby, et les Bibles de Reuss et de Neuchâtel au 19e siècle. Et que dire des Argumens et Réflexions d’Ostervald dès le début du 18e siècle ?).
Les éditeurs de la Bible Crampon ont utilisé, voire même recopié des portions du texte (surtout les Prophètes) de deux Bibles protestantes, soit la Bible de Neuchâtel (Bible annotée) et la Bible Segond. Ils ont aussi inclus bon nombre de notes exégétiques et historiques. On ressent, bien évidemment, l’influence de la doctrine catholique romaine dans les notes, mais rien de polémique. Comme le dit bien Daniel Lortsch dans son livre sur l’histoire de la Bible française, « nous sommes ici aux antipodes du Nouveau Testament de l’abbé Gaume. » Une seconde édition parut en 1923.
Traductions partielles aux 19e et 20e siècle
En plus des traductions majeures comme celles de Segond et Darby, par exemple, on vit également paraître aux 19e et 20e siècles quelques traductions partielles des Écritures par des protestants.
Le livre de Job
La toute première traduction originale protestante à avoir paru au début des années 1800 est un fragment des Écritures, c’est-à-dire Le livre de Job, par Louis Bridel (1759-1821), pasteur suisse à Bâle. L’ouvrage a paru en 1818 et il est très rare. Daniel Lortsch a écrit : « Le traducteur a reproduit la coupe des vers hébreux » (Histoire de la Bible française, p. 144). Autre particularité, l’auteur indique le ton présumé des paroles poétiques et propose une mise en contexte des éléments du discours. Remarquez la touchante dédicace.
Job, les Psaumes, les Proverbes et l’Ecclésiaste de la Parole de Dieu
Dans les mots de Daniel Lortsch (Histoire de la Bible française, p.144), cet ouvrage représente « le premier essai protestant d’une traduction personnelle des Écritures qui ait été imprimé en France. » C’est l’œuvre du pasteur d’origine genevoise Louis Vivien, dont on ne sait que très peu de choses, sinon qu’il fut apparemment nommé pasteur d’Arras, en France, en 1850. D’après Lortsch, la première édition date de 1831, alors que Vivien était pasteur à Montbéliard. La seconde édition, non datée, aurait été imprimée entre 1850 et 1860. L’auteur lui-même a déclaré, dans la préface de la première édition (qui demeure introuvable), qu’il avait voulu publier ces livres poétiques de l’Ancien Testament dans une « version plus correcte que celle de nos Bibles ». Et pour ce faire, il est parti du texte original hébreu, en comparant avec toutes les versions qu’il avait à sa disposition. Voici la seconde édition, un ouvrage d’une très grande rareté.
Le prophète Joël
Eugène Le Savoureux (1821 – 1882) est un pasteur protestant français qui consacra une bonne partie de sa vie à rédiger des notes historiques et exégétiques sur des texte de l’Ancien Testament. Six ans après sa mort, on publia ses notes sur Le prophète Joël, accompagnées de sa propre traduction du livre. On voulu ainsi faire apprécier aux étudiants de la Bible « les beautés d’un des Écrits les plus remarquables du Canon hébreu » (H. Vuilleumier, Revue de Théologie, 1888, vol.21, p.432).
Les Psaumes des Maaloth
En 1889 parurent les Psaumes des Maaloth (c.-à-d., les Cantiques des degrés, soit les Psaumes 120 – 134) par le Suisse neuchâtelois Félix Bovet, professeur de littérature et d’hébreu.
Le prophète Aggée
En 1895, le pasteur et professeur de théologie français Louis Edouard Tony André fit paraître sa thèse de Licence en théologie dans laquelle il présenta sa propre traduction du livre du prophète Aggée, accompagnée de commentaires.
Les huit premiers chapitres de la lettre de Paul aux Romains
Le professeur et missionnaire parisien F. Hermann Krüger publia, une année avant sa mort en 1900, une traduction personnelle des huit premiers chapitres de l’épître de Paul aux Romains, avec commentaires.
Les orijines du Cristianisme (Luc et Actes)
Parmi les protestants qui ont publié une partie des Écritures au début du 20e siècle, Daniel Lortsch (Histoire de la Bible française, p. 153) mentionne un certain Paul Passy (1859 – 1940), linguiste et phonéticien français, fils de l’un des deux premiers lauréats du prix Nobel de la paix en 1901, Frédéric Passy. On dit de Paul Passy qu’il était un ami proche du pasteur Ruben Saillens, auteur de nombreux cantiques évangéliques bien connus (Debout, sainte cohorte ; Torrents d’amour et de grâce ; Seigneur, que n’ai-je mille voix), et de l’hymne La Cévenole, rédigé en mémoire des Huguenots persécutés.
Bien qu’il était un ardent défenseur du christianisme social (une vision qui prône l’implication active des croyants dans l’assistance destinée aux gens dans le besoin), Passy a cependant déclaré que donner autant ou plus d’importance à la question sociale qu’à la conversion individuelle « ne serait plus de la fidélité, mais de l’apostasie » (Écho de la vérité, 1900).
Passy, qui a aussi contribué à l’élaboration de l’alphabet phonétique international, a pris sur lui de traduire le texte grec de l’Évangile selon Luc et des Actes des apôtres dans le « langaje courant » à son époque, employant une « orthografe simplifiée ». Le but principal de l’auteur était de présenter les « orijines du Cristianisme autentique » à tous ceux qui calomniaient les lecteurs des Saintes Écritures en les traitant vulgairement d’« imbéciles assez naïfs pour croire aus fables de la Bible ». Passy a donc voulu présenter Luc et Actes à ces gens pour les amener à comprendre qu’« il est bon de conaître une choze avant d’en parler. » Voici un exemplaire de cet ouvrage inusité et très rare.
Luc et Jean
Le théologien et exégète suisse Frédéric Godet, principal artisan de la Bible annotée de Neuchâtel, publia une traduction avec commentaires des Évangiles selon Luc et Jean, de même que des épîtres de Paul aux Romains et aux Corinthiens. La première édition de Luc est de 1874 et celle de Jean de 1864.
Paraphrases de Luc, Jean, 1 Corinthiens et Romains
En 1907, le pasteur français Ernest Monod fit paraître une paraphrase des traductions de Godet de Luc, Jean et 1 Corinthiens, suivie d’une autre de Romains en 1911.
Anthologie littéraire et poétique de la Bible
Jan Doat (1909 – 1988), auteur français, fut professeur de littérature pendant 10 ans à l’Université Laval de Québec. Il publia, en 1975, un ouvrage intitulé La Bible, anthologie littéraire et poétique (272e volume de la collection Marabout université).
Doat déclare, dans l’introduction de cet ouvrage, que la Bible a été une grande source d’inspiration dans plusieurs domaines incluant la poésie, le théâtre et le cinéma. Le but de l’auteur est donc de faire découvrir au grand public le contenu littéraire des Écritures et d’inviter le lecteur à prendre connaissance de l’histoire du peuple juif et de celle d’hommes exceptionnels.
Pour ce faire, Doat a délibérément laissé de côté ce qu’il qualifie lui-même de « répétitions, statistiques, prescriptions rituelles et généalogies ». Il souligne qu’il présente un texte « débarrassé de tout ce qui, dans la Bible intégrale, oblige à la lecture, parfois rébutante, d’un texte encombré ». Selon lui, plusieurs des livres historiques et prophétiques de l’Ancien Testament ne font que « répéter plus faiblement ce que d’autres livres [apportent] avec plus de force » (Introduction, p.5,6). Bien que le but visé par Doat puisse être noble dans une certaine mesure, de tels mots révèlent clairement une vision peu élevée des Saintes Écritures. La Bible, dans toutes ses parties, est « inspirée de Dieu » (2 Ti 3.16). La conviction profonde dans la doctrine de l’inspiration verbale et plénière de l’Écriture ne permet pas un tel langage à propos de son contenu.
Il faut également mentionner que l’anthologie de Doat n’est pas limitée aux livres canoniques de la Bible ; elle inclut également des extraits d’ouvrages dits apocryphes. Les extraits bibliques et apocryphes sont principalement tirés de la Bible de Sacy (édition de 1750). La Bible de Louis Segond fut aussi utilisée, de même que la traduction de Job (1858) et du Cantique des cantiques (1860) par l’écrivain français Ernest Renan (1823 – 1892). Les extraits sont répartis dans quatre sections que l’auteur nomme Histoire, Hommes et destins, Sagesse et poésie, et Textes extatiques. Le texte est présenté sans aucun chapitre ni verset.
Paul de Tarse, lettres à une jeune église
Le pasteur français Jean-Paul Benoît était, paraît-il, un ardent défenseur des valeurs chrétiennes qui cherchait à encourager les croyants avec une approche particulièrement pastorale. Dans cet ouvrage publié en 1962, l’auteur a traduit l’ensemble des épîtres de Paul dans un français moderne et souvent paraphrasé, sans pour autant être entièrement simplifié. En effet, le texte comporte parfois des phrases plus ou moins complexes.
Dans un court message adressé au lecteur, où il parle de Paul comme étant le « principal acteur de ce mouvement puissant qui secoua l’Empire Romain du 1er siècle », Benoît ajoute : « Mais qui donc aujourd’hui lit encore les épîtres de Paul ? Qu’on nous excuse si nous avons cru devoir peiner à rendre sa prose plus accessible à un lecteur français moderne. » L’auteur termine en exprimant son souhait que les lecteurs puissent découvrir dans ce livre le « secret qui continue à bouleverser l’homme et le monde aujourd’hui ».
Les épîtres de Paul sont classées en ordre chronologique, selon « ce qui nous a paru le meilleur […] sous toutes réserves naturellement » (p.57). Une belle marque d’humilité de la part de l’auteur. Avec raison, cependant, l’érudit suisse Jules-Marcel Nicole déplore le fait que « malheureusement, à part trois courts fragments, les épîtres pastorales ne figurent pas » (Lortsch, Histoire de la Bible française, p.252).
Benoît introduit brièvement chaque lettre avec des informations historiques, biographiques et géographiques, de même qu’un résumé théologique de son contenu.
Bible du Centenaire
L’année 1918 devait marquer le centième anniversaire de la Société Biblique de Paris. Pour l’occasion on envisagea de publier une nouvelle traduction de la Bible, très littérale, et accompagnée de notes textuelles abondantes. Le travail débuta déjà avant le début de la Première Guerre et fut publié entre 1928 et 1947. Éditée d’abord en fascicules, la version finale parut en quatre grands volumes.
Cette Bible est extrêmement rare. Dans son livre Une Bible et tant de versions !, Alfred Kuen écrit : « Malheureusement cette Bible est devenue introuvable. » Les livres de l’Ancien Testament suivent l’ordre du Tanak, la Bible hébraïque. Le nom Tanak est formé de la première lettre de chacune des trois divisions majeures du canon juif des Écritures : Torah (Loi), Nevi’im (Prophètes) et Kethuvim (Écrits).
Bible de la famille et de la jeunesse
En 1927, l’Agence de la Société Biblique Protestante de Paris fit paraître une Bible intitulée la Bible de la famille et de la jeunesse et ce, à partir de la Bible du Centenaire. Cette édition ne contient que des extraits de l’Ancien Testament et tout le Nouveau Testament en entier.
Cependant, puisque le travail sur la Bible du Centenaire n’était pas encore terminé, trois versions différentes furent utilisées pour sa publication : les livres de la version du Centenaire qui étaient déjà disponibles, de même que des textes provenant des versions Segond (pour l’Ancien Testament) et Oltramare (pour le Nouveau Testament).
Cette Bible représente donc un cas extrêmement rare dans l’histoire de la Bible française (voir aussi le Nouveau Testament de Decoppet de 1903).
Bible de Jérusalem
Il a déjà été souligné que la traduction et l’étude des textes originaux hébreux et grecs n’ont été officiellement encouragées qu’à partir de 1943 chez les catholiques romains, avec la lettre encyclique du pape Pie XII, la fameuse Divino Afflante Spiritu (Sous l’inspiration du Saint-Esprit). Avant cette date, les traducteurs catholiques romains utilisaient la Vulgate latine de Jérôme (383-405 ap. J.-C.) comme texte de base.
L’un des résultats les plus importants de cette nouvelle directive est sans contredit la traduction de la Bible de Jérusalem, « ainsi nommée parce qu’elle a été réalisée sous la direction de l’Ecole Biblique catholique de cette ville. Parue d’abord en fascicules, elle a été réunie en un volume en 1955-1956, aux Éditions du Cerf à Paris » (Daniel Lortsch).
Cette traduction littérale, parfois sans élégance, a été publiée dans de nombreux formats depuis.
Nouveau Testament « de la Réforme »
En conclusion de ce survol des Bibles françaises protestantes, voici une Bible bilingue française et allemande, imprimée en 1742, en colonnes parallèles. Ce qui rend cette Bible unique, ce sont les traductions utilisées. La version française est celle de Genève, dont Jean Calvin lui-même a présenté une révision en 1560, et la version allemande est celle de Martin Luther, qui parut pour la première fois en 1534 (Nouveau Testament en 1522). Ainsi, cette Bible présente l’héritage scripturaire des deux plus grands artisans de la Réforme.
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